Dans sa première vie, Marco Cavallo était un cheval de trait comme les autres, à la différence près qu’il vivait dans l’enceinte de l’asile psychiatrique de Trieste. Au fil des années, les personnes internées s’étaient prises d’affection pour ce vieux cheval qui transportait de plus en plus difficilement les ordures et le linge sale. Elles voyaient en lui une figure apaisée de leur destin.

Sa mort fut un véritable drame pour tout l’asile. A tel point que pour apaiser leur chagrin, les usagers, avec l’aide des travailleurs de l’hôpital mais aussi d’artistes italiens, ont décidé de construire un immense cheval de bois et de carton bouilli, creux pour contenir leurs rêves, et peint en bleu comme le ciel.

Au moment de sortir cet étrange animal de l’hôpital pour qu’il rejoigne les chars du Carnaval, on s’est rendu compte que la porte était trop étroite. Comme il était hors de question de couper le cheval, Franco Basaglia décida de casser les murs de l’enceinte de l’asile pour amener le Cheval bleu dans les rues de Trieste. L’histoire retiendra l’image du directeur, forçant avec un banc l’étroite porte grillagée.

La seconde vie de Marco Cavallo pouvait commencer : le Cheval Bleu entra dans la Cité avec ceux qui l’avaient fabriqué, se réappropriant ainsi symboliquement la ville. Depuis, cet emblème de la désaliénation des malades mentaux, a voyagé dans toute l’Europe.